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Description
La porte claqua.
Aussi violemment que si elle avait été poussée par une tempête, elle manqua de sortir de ses gonds lorsqu'Ugo la referma derrière lui. Le souffle court, haletant, les pupilles dilatées et des tremblements parcourant son corps, il chercha quelques secondes autour de lui, s'assurant de l'absence d'identités vivantes hormis lui-même et l'ange. Lorsqu'il posa enfin les yeux sur sa cible, Heidi soutînt son regard. Durement. Froidement. Sans ciller ou émettre le moindre signe de défaillance. Ses prunelles azurées le fixèrent comme jamais elles ne l'avaient fait : lointaines, vides, fades … comme l'on regardait un insecte que l'on aurait écrasé, en décidant de l'achever. Où étaient passées la candeur, la joie, l'insouciance qui les emplissaient habituellement ? Où s'était réfugiée son innocence, battant en retraite face à ce sérieux aussi dévastateur que douloureux ? Où était l'idiot, l'inconscient, le bon vivant … où était le Heidi qu'il connaissait ? Car, cet être au visage enflammé de ténèbres et de tristesse ne rendait en rien l'identité de son porteur.

- Est-ce vrai ?

Fit le jeune homme, entre deux respirations. Une question à la fois si simple, et si compliquée. Le genre de demande où l'on attend une réponse, mais l'on espère aussi qu'elle ne tombera jamais. Qu'il se produise un miracle, un imprévu, quelque chose qui empêcherai votre interlocuteur d'ouvrir la bouche pour énoncer ce que vous refusez d'entendre. De reconnaître. D'accepter.

- Tout ce que Lou a énoncé… est-ce vrai ?

Les mains posées platement sur ses genoux, le dos bien droit, ses vêtements portant les vestiges de l'averse extérieures et la peau dégoulinante d'eau ; Heidi ne prononça pas un mot. Pourquoi nier l'évidence ? Pourquoi perdre du temps à répondre ? Pourquoi chercher à expliquer ? Pourquoi, pourquoi … et le silence parla à sa place. Lourd, pesant, implacable et immuable dans sa déchéance et sa sincérité. Telle une épée de Damoclès au dessus de leur tête, il frappa leurs esprits avec violence sans épargner le moindre souffle d'espoir. Si le plus petit resta digne en face de cela, l'autre s'affaissa à genoux, épuisé. Toujours haletant, Ugo ne parvînt pas à trouver quoi que ce soit à dire. Des mots, des phrases, ou même des lettres ; tout pour briser l'implacable réponse qui sonnait comme le dernier glas de la vie.

Ses lèvres tremblèrent, signe d'un essai infructueux. C'était trop. Trop d'un coup. Trop de choses. Trop de nouvelles. En si peu de temps, et si peu de possibilités en retour. A dire vrai, quels étaient ses choix, hormis accepter et subir, ou refuser et souffrir … ? Cela dépassait tellement l'entendement qu'il ne s'imaginait pas lutter. Pas contre ce genre de puissances supérieures, à compter du fait qu'elles existaient belles et bien. Il ne pouvait rien faire, et cette évidence le crispa encore plus. Se retrouver esseulé, sans aucune arme pour se défendre ni même l'envie de s'en sortir … une sensation fort ingrate qui avait le don de le faire se sentir encore plus misérable qu'il ne l'avait été jusque là. Lui qui refusait de voir la réalité en face, il fallait avouer que là, il s'était bien fait avoir.

Les secondes s'écoulèrent, aussi lentes que les gouttes de sang qui perlaient du front d'Heidi. Puis les minutes. Aucun des deux jeunes hommes ne prononça le moindre son. Plongés au cœur de leurs pensées, ou au contraire submergé par le flot d'incompréhension, ils favorisèrent le joug du silence que celui d'explications aussi futiles qu'inutiles. Il n'y avait rien à expliquer. C'était comme cela, et puis c'était tout. Qui pouvait changer quoi que ce soit, de toute façon ? Pourtant, au bout d'un moment, Ugo se redressa. Les émeraudes qui faisaient office de regard détaillèrent son compagnon, mêlant incompréhension et douleur. De l'être chaleureux qu'Heidi était la veille ne restait que cette sorte de carcasse morbide. Non. Heidi n'était pas comme ça, ce n'était pas lui ! Cela ne pouvait pas être lui ! Dans un élan de faible espoir, Shinru s'avança fébrilement vers lui, tendant la main pour toucher ce front glacé du bout de doigts. L'ange ne broncha pas, même lorsqu'il effleura ses blessures encore ouvertes, même lorsque le contact chaud de sa paume glissa jusque dans sa chevelure rose, même quand il senti les tremblements parcourir son compagnon. Il semblait réfléchir. A quoi ? Personne ne le savait, son esprit côtoyait de telles hauteurs qu'il était bien souvent impossible de comprendre ses raisonnements.

Ce n'est que lorsque la main droite d'Ugo essuya sa joue rougie qu'il sembla reprendre vie. Son dos et ses épaules s'affaissèrent, son corps fut pris de quelques tremblements, ses paupières se fermèrent doucement, et un soupir presque inaudible parvînt au travers de ses lèvres. Le jeune homme se mit à son niveau, continuant de caresser du bout des doigts cette peau désormais si froide. Lorsque des larmes commencèrent à apparaître au coin de ses cils, Ugo vînt les cueillir avec une douceur qu'il n'avait presque jamais montrée jusqu'alors, savourant douloureusement chaque contact avec cet être si proche, et si loin à la fois. Heidi se recroquevilla nerveusement sous la peine, refusant de montrer une telle facette de lui au grand jour. Mais c'était trop tard pour se cacher. Trop tard pour reculer. Trop tard pour tout…

Un baiser. Après les cils, se fut sur la joue qu'il fut déposé. Qu'importait le goût du fer qui emplit alors sa bouche, l'adolescent n'aurait cédé son geste pour rien au monde. Ses grandes mains parcoururent la nuque, la chevelure, même les épaules de celui qui laissait échapper sa peine en face de lui. Ugo ne l'avait jamais vu ainsi, personne ne l'avait jamais vu ainsi, et il comprenait largement pourquoi. Tant de sourires, tant de joie, tant d'innocence ; qui cachaient un secret et une douleur plus qu'impensable à ses yeux. Ah, il se trouvait bien bête avec ses problèmes d'étudiant et son refus de confiance en lui-même, face à cela ! Tant de futilités humaines qui s'envolaient d'un simple geste lorsqu'on les confrontait à ce qui venait de se savoir.

Le temps continuait son cours, mais tous deux n'en avaient que faire. A vrai dire, aucun ne savait vraiment ce qu'il attendait. Un espoir ? Un message ? Une idée ? Un autre coup du sort ? Pas de réponse. Avec toujours autant de douceur, Ugo embrassa soigneusement chaque infime partie du visage du pinky. Comme si chaque centimètre de sa peau possédait une valeur inestimable, comme s'il allait disparaitre en un instant, comme pour imprimer dans son esprit chaque sensation, chaque saveur, chaque texture … Soudain, Heidi bougea. Attrapant à pleine main la chemise de son comparse pour l'approcher et enfouir son visage contre son torse. Humant son odeur, dissimulant ses sanglots contre le tissu humide, espérant ne jamais devoir s'en éloigner. Des bras l'entourèrent, chaleureux, protecteurs, attentifs. Des bras le serrèrent dans une étreinte à la fois passionnée et emplie de désespoir. Des bras eux aussi tremblants, s'accrochant comme ils pouvaient pour le maintenir près de lui. Il le laissa aller à sa tristesse, le laissa pleurer tout le soûl qu'il gardait enfoui ; le gardant serré contre son cœur, déposant de temps à autres des baisers dans ses cheveux clairs. Une complainte douloureuse longue, qui sembla leur durer des heures.

- Je dois partir …

La voix se brisa. Un hoquet l'entrecoupa dans son élan, rendant la tâche encore plus difficile. Heidi s'était légèrement redressé pour la prononcer, ne trouvant cependant pas le courage de le regarder dans les yeux. Oui, il devait partir. Le plus tôt possible. Sa mission ici était terminée. Les portes de l'Angelys lui étaient de nouveau ouvertes et il lui fallait quitter ce monde. Mais comment abandonner tous ceux qu'il y avait rencontrés ? Comment abandonner tout ce qu'il avait construit ? Comment abandonner Aalbiel, Sindiel, Yuna… Comment abandonner Ugo ? Comment abandonner les sentiments qu'il éprouvait à l'encontre de celui-ci ? Comment les réfuter et survivre à cela ? Comment … et surtout, pourquoi. A cette idée de devoir tout laisser derrière lui, sa prise de resserra sur le tissu, allant jusqu'à presque le déchirer. Non. Non, pas question. Il voulait avoir le choix de décider, le choix de son avenir, le choix de sa « vie » … de son libre arbitre. Mais rien n'est plus impénétrable que les décisions du très-Haut, et il savait que, fatalement, il partirait.

Ugo poussa un soupir, avant d'aller embrasser la tempe de son amant. Fébrile, il fit glisser sa main gauche dans le dos de celui-ci, allant se poser près de sa hanche quelques instants, puis passer sous le tissu trempé, directement au contact de sa peau atrocement froide. Le contraste avec ses doigts bouillants coupa le souffle au jeune Ange, provoquant un frisson glacé le long de son échine. Timidement, il embrassa la paume restée près de sa joue. La présence d'Ugo était rassurante, presque qu'apaisante, chaleureuse, doucereuse… Il avait tant espéré qu'il le prenne ainsi dans ses bras, et il avait fallu que la pire de ses facettes soit dévoilée pour que le 'charme' opère enfin.

La main malicieuse remonta le long de son dos, brûlant sa peau où elle passait sans jamais revenir en arrière. Ce ne fut que lorsqu'Ugo le pressa un peu plus contre lui dans un souffle plus appuyé, qu'Heidi se décida à relever la tête pour chercher sa bouche. Bouche qu'il trouva rapidement, attendu, et contre laquelle il se laissa aller. D'abord discrètes, ses lèvres taquinèrent un peu celles de sont partenaire pour les entrouvrir, et enfin échanger un tendre et profond baiser. Le goût de fer ne les dérangea pas le moins du monde, trop occupés à redécouvrir la sensation de l'autre. Un baiser à la fois doucereux et ardent, timide et téméraire, sauvage et docile. Un baiser à en faire frémir tout un chacun de part le flot de sentiments qu'il représentait.

- Pas encore … s'il-te-plait.

Murmura faiblement Ugo, entre deux embrassades. Il se fit bien rapidement taire. Ne pas répondre. Ne pas parler. Ne pas y penser. Juste … Heidi. Et rien qu'Heidi. Avec une lenteur mesurée, il remonta la chemise que portait le petit, explorant sur le coup les reliefs de son torse avec une impression nouvelle. Il ne tarda d'ailleurs pas à la lui retirer, exposant à son regard le corps encore frêle de son ami. L'embrasser. Le caresser. Le serrer. Tant de geste qui lui donnait l'impression qu'il lui appartenait, oui, qu'il était encore à lui. Quand son visage prit la direction de la nuque dans une file de baisers, Ugo le laissa défaire à son tour les boutons de son haut ; avant de pousser un léger soupir de plaisir quand les mains frigorifiées se glissèrent sur son propre corps. Littéralement brûlant, l'étudiant fini par le pousser en arrière sur les draps, en profitant pour goûter de ses lèvres la peau de son torse. Pas de résistance. Pas besoin. Pas le temps. Chacun se mit à explorer l'autre, comme s'ils se découvraient pour la première fois. Des frôlements qui devinrent des caresses, des baisers qui se transformèrent en phénomène de succion, des larmes qui se remplacèrent par un regard emprunt de passion.

Gestes tendres. Doigts habilement glissés sur la peau. Bouches se cherchant sans cesse. Bras entourant le corps de l'autre. Des cuisses qui se pressent. Un corps froid qui s'éveille à une chaleur revigorante. Quelques pincements. Quelques pressions. Quelques mots tendres murmurés au creux de l'oreille. Un souffle court qui vient mourir contre le cou du partenaire. Une recherche de chacun. Une sorte de jeu de séduction et d'apprivoisement. Pour enfin parvenir au point de non retour : la fusion. Le remplissage de toutes les failles encore visibles, l'association de leurs deux corps dans un gémissement de plaisir. La sensation de se posséder, de vivre en et avec l'autre, le sentiment de ne faire qu'un, même pour un (trop) court instant. Les soupirs, les petits cris, voir les couinements …. Tant de bruits à la fois familiers et insolites que ne font que rendre la situation encore plus excitante.

Ugo prit Heidi avec une douceur nouvelle, un élan d'amour passionné qu'il ne lui avait jusque là jamais signifié, ou presque. Celui-ci répondit au moindre de ses coups de rein, au moindre geste, au moindre baiser. Souhaitant au fond de lui que ce moment intime ne se finisse pas… Haletants, ardents, ils rejoignirent un point culminant dans le brouillard de leur passion, refusant chacun de mettre un terme à leur ébat. Il fallut, pourtant. Dernier mouvement. Dernière caresse provocatrice. Dernier cri. Et la chaleur qui vous emplie, coulant dans vos veines comme un poison dévastateur sans vous laisser la moindre chance de lui échapper. Un plaisir non dissimulé qui laisse place à une plénitude réparatrice de tous les maux. Heidi se laissa alors aller dans les bras de son amant, refusant de le laisser s'éloigner encore quelques secondes. Enlacement. Câlin. Baisers. La brûlure et l'ardeur précédentes laissèrent de nouveau place à la douceur. Caresses tendres.

L'adolescent et l'ange finirent par se séparer, à contre cœur ; mais pour mieux se retrouver peu après sous la couverture chaude. Le pinky vînt se lover dans l'étreinte d'Ugo, enserrant son corps encore suant de leur échange. Il ne s'en rendait pas compte, mais son propre corps s'était considérablement réchauffé. Qu'importe. Il était contre celui qu'il aimait, cela lui suffisait.

Ugo s'endormi le premier. Juste avant de sombrer dans les bras de Morphée, il murmura quelque chose comme :

- Toujours là pour …

Sans même finir. L'Ange sourit doucement, d'un sourire cependant triste. Il ne dormi pas cette nuit là, passant la moindre parcelle de temps qu'il lui restait à observer cet humain assoupi. Caressant ses cheveux auburn de temps à autre, murmurant des mots tendres qu'il espérait lui transmettre dans ses rêves, frôlant la peau de son visage et de ses épaules. Le simple fait de le voir lui avait toujours suffit, et aujourd'hui encore il se délectait de cette situation qui lui était exclusive. Il serait resté là éternellement …

Le lendemain, lorsqu'Ugo s'éveilla à l'aube, Heidi avait disparu.

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La porte claqua.
Aussi violemment que si elle avait été poussée par une tempête, elle manqua de sortir de ses gonds lorsqu'Ugo la referma derrière lui. Le souffle court, haletant, les pupilles dilatées et des tremblements parcourant son corps, il chercha quelques secondes autour de lui, s'assurant de l'absence d'identités vivantes hormis lui-même et l'ange. Lorsqu'il posa enfin les yeux sur sa cible, Heidi soutînt son regard. Durement. Froidement. Sans ciller ou émettre le moindre signe de défaillance. Ses prunelles azurées le fixèrent comme jamais elles ne l'avaient fait : lointaines, vides, fades … comme l'on regardait un insecte que l'on aurait écrasé, en décidant de l'achever. Où étaient passées la candeur, la joie, l'insouciance qui les emplissaient habituellement ? Où s'était réfugiée son innocence, battant en retraite face à ce sérieux aussi dévastateur que douloureux ? Où était l'idiot, l'inconscient, le bon vivant … où était le Heidi qu'il connaissait ? Car, cet être au visage enflammé de ténèbres et de tristesse ne rendait en rien l'identité de son porteur.

- Est-ce vrai ?

Fit le jeune homme, entre deux respirations. Une question à la fois si simple, et si compliquée. Le genre de demande où l'on attend une réponse, mais l'on espère aussi qu'elle ne tombera jamais. Qu'il se produise un miracle, un imprévu, quelque chose qui empêcherai votre interlocuteur d'ouvrir la bouche pour énoncer ce que vous refusez d'entendre. De reconnaître. D'accepter.

- Tout ce que Lou a énoncé… est-ce vrai ?

Les mains posées platement sur ses genoux, le dos bien droit, ses vêtements portant les vestiges de l'averse extérieures et la peau dégoulinante d'eau ; Heidi ne prononça pas un mot. Pourquoi nier l'évidence ? Pourquoi perdre du temps à répondre ? Pourquoi chercher à expliquer ? Pourquoi, pourquoi … et le silence parla à sa place. Lourd, pesant, implacable et immuable dans sa déchéance et sa sincérité. Telle une épée de Damoclès au dessus de leur tête, il frappa leurs esprits avec violence sans épargner le moindre souffle d'espoir. Si le plus petit resta digne en face de cela, l'autre s'affaissa à genoux, épuisé. Toujours haletant, Ugo ne parvînt pas à trouver quoi que ce soit à dire. Des mots, des phrases, ou même des lettres ; tout pour briser l'implacable réponse qui sonnait comme le dernier glas de la vie.

Ses lèvres tremblèrent, signe d'un essai infructueux. C'était trop. Trop d'un coup. Trop de choses. Trop de nouvelles. En si peu de temps, et si peu de possibilités en retour. A dire vrai, quels étaient ses choix, hormis accepter et subir, ou refuser et souffrir … ? Cela dépassait tellement l'entendement qu'il ne s'imaginait pas lutter. Pas contre ce genre de puissances supérieures, à compter du fait qu'elles existaient belles et bien. Il ne pouvait rien faire, et cette évidence le crispa encore plus. Se retrouver esseulé, sans aucune arme pour se défendre ni même l'envie de s'en sortir … une sensation fort ingrate qui avait le don de le faire se sentir encore plus misérable qu'il ne l'avait été jusque là. Lui qui refusait de voir la réalité en face, il fallait avouer que là, il s'était bien fait avoir.

Les secondes s'écoulèrent, aussi lentes que les gouttes de sang qui perlaient du front d'Heidi. Puis les minutes. Aucun des deux jeunes hommes ne prononça le moindre son. Plongés au cœur de leurs pensées, ou au contraire submergé par le flot d'incompréhension, ils favorisèrent le joug du silence que celui d'explications aussi futiles qu'inutiles. Il n'y avait rien à expliquer. C'était comme cela, et puis c'était tout. Qui pouvait changer quoi que ce soit, de toute façon ? Pourtant, au bout d'un moment, Ugo se redressa. Les émeraudes qui faisaient office de regard détaillèrent son compagnon, mêlant incompréhension et douleur. De l'être chaleureux qu'Heidi était la veille ne restait que cette sorte de carcasse morbide. Non. Heidi n'était pas comme ça, ce n'était pas lui ! Cela ne pouvait pas être lui ! Dans un élan de faible espoir, Shinru s'avança fébrilement vers lui, tendant la main pour toucher ce front glacé du bout de doigts. L'ange ne broncha pas, même lorsqu'il effleura ses blessures encore ouvertes, même lorsque le contact chaud de sa paume glissa jusque dans sa chevelure rose, même quand il senti les tremblements parcourir son compagnon. Il semblait réfléchir. A quoi ? Personne ne le savait, son esprit côtoyait de telles hauteurs qu'il était bien souvent impossible de comprendre ses raisonnements.

Ce n'est que lorsque la main droite d'Ugo essuya sa joue rougie qu'il sembla reprendre vie. Son dos et ses épaules s'affaissèrent, son corps fut pris de quelques tremblements, ses paupières se fermèrent doucement, et un soupir presque inaudible parvînt au travers de ses lèvres. Le jeune homme se mit à son niveau, continuant de caresser du bout des doigts cette peau désormais si froide. Lorsque des larmes commencèrent à apparaître au coin de ses cils, Ugo vînt les cueillir avec une douceur qu'il n'avait presque jamais montrée jusqu'alors, savourant douloureusement chaque contact avec cet être si proche, et si loin à la fois. Heidi se recroquevilla nerveusement sous la peine, refusant de montrer une telle facette de lui au grand jour. Mais c'était trop tard pour se cacher. Trop tard pour reculer. Trop tard pour tout…

Un baiser. Après les cils, se fut sur la joue qu'il fut déposé. Qu'importait le goût du fer qui emplit alors sa bouche, l'adolescent n'aurait cédé son geste pour rien au monde. Ses grandes mains parcoururent la nuque, la chevelure, même les épaules de celui qui laissait échapper sa peine en face de lui. Ugo ne l'avait jamais vu ainsi, personne ne l'avait jamais vu ainsi, et il comprenait largement pourquoi. Tant de sourires, tant de joie, tant d'innocence ; qui cachaient un secret et une douleur plus qu'impensable à ses yeux. Ah, il se trouvait bien bête avec ses problèmes d'étudiant et son refus de confiance en lui-même, face à cela ! Tant de futilités humaines qui s'envolaient d'un simple geste lorsqu'on les confrontait à ce qui venait de se savoir.

Le temps continuait son cours, mais tous deux n'en avaient que faire. A vrai dire, aucun ne savait vraiment ce qu'il attendait. Un espoir ? Un message ? Une idée ? Un autre coup du sort ? Pas de réponse. Avec toujours autant de douceur, Ugo embrassa soigneusement chaque infime partie du visage du pinky. Comme si chaque centimètre de sa peau possédait une valeur inestimable, comme s'il allait disparaitre en un instant, comme pour imprimer dans son esprit chaque sensation, chaque saveur, chaque texture … Soudain, Heidi bougea. Attrapant à pleine main la chemise de son comparse pour l'approcher et enfouir son visage contre son torse. Humant son odeur, dissimulant ses sanglots contre le tissu humide, espérant ne jamais devoir s'en éloigner. Des bras l'entourèrent, chaleureux, protecteurs, attentifs. Des bras le serrèrent dans une étreinte à la fois passionnée et emplie de désespoir. Des bras eux aussi tremblants, s'accrochant comme ils pouvaient pour le maintenir près de lui. Il le laissa aller à sa tristesse, le laissa pleurer tout le soûl qu'il gardait enfoui ; le gardant serré contre son cœur, déposant de temps à autres des baisers dans ses cheveux clairs. Une complainte douloureuse longue, qui sembla leur durer des heures.

- Je dois partir …

La voix se brisa. Un hoquet l'entrecoupa dans son élan, rendant la tâche encore plus difficile. Heidi s'était légèrement redressé pour la prononcer, ne trouvant cependant pas le courage de le regarder dans les yeux. Oui, il devait partir. Le plus tôt possible. Sa mission ici était terminée. Les portes de l'Angelys lui étaient de nouveau ouvertes et il lui fallait quitter ce monde. Mais comment abandonner tous ceux qu'il y avait rencontrés ? Comment abandonner tout ce qu'il avait construit ? Comment abandonner Aalbiel, Sindiel, Yuna… Comment abandonner Ugo ? Comment abandonner les sentiments qu'il éprouvait à l'encontre de celui-ci ? Comment les réfuter et survivre à cela ? Comment … et surtout, pourquoi. A cette idée de devoir tout laisser derrière lui, sa prise de resserra sur le tissu, allant jusqu'à presque le déchirer. Non. Non, pas question. Il voulait avoir le choix de décider, le choix de son avenir, le choix de sa « vie » … de son libre arbitre. Mais rien n'est plus impénétrable que les décisions du très-Haut, et il savait que, fatalement, il partirait.

Ugo poussa un soupir, avant d'aller embrasser la tempe de son amant. Fébrile, il fit glisser sa main gauche dans le dos de celui-ci, allant se poser près de sa hanche quelques instants, puis passer sous le tissu trempé, directement au contact de sa peau atrocement froide. Le contraste avec ses doigts bouillants coupa le souffle au jeune Ange, provoquant un frisson glacé le long de son échine. Timidement, il embrassa la paume restée près de sa joue. La présence d'Ugo était rassurante, presque qu'apaisante, chaleureuse, doucereuse… Il avait tant espéré qu'il le prenne ainsi dans ses bras, et il avait fallu que la pire de ses facettes soit dévoilée pour que le 'charme' opère enfin.

La main malicieuse remonta le long de son dos, brûlant sa peau où elle passait sans jamais revenir en arrière. Ce ne fut que lorsqu'Ugo le pressa un peu plus contre lui dans un souffle plus appuyé, qu'Heidi se décida à relever la tête pour chercher sa bouche. Bouche qu'il trouva rapidement, attendu, et contre laquelle il se laissa aller. D'abord discrètes, ses lèvres taquinèrent un peu celles de sont partenaire pour les entrouvrir, et enfin échanger un tendre et profond baiser. Le goût de fer ne les dérangea pas le moins du monde, trop occupés à redécouvrir la sensation de l'autre. Un baiser à la fois doucereux et ardent, timide et téméraire, sauvage et docile. Un baiser à en faire frémir tout un chacun de part le flot de sentiments qu'il représentait.

- Pas encore … s'il-te-plait.

Murmura faiblement Ugo, entre deux embrassades. Il se fit bien rapidement taire. Ne pas répondre. Ne pas parler. Ne pas y penser. Juste … Heidi. Et rien qu'Heidi. Avec une lenteur mesurée, il remonta la chemise que portait le petit, explorant sur le coup les reliefs de son torse avec une impression nouvelle. Il ne tarda d'ailleurs pas à la lui retirer, exposant à son regard le corps encore frêle de son ami. L'embrasser. Le caresser. Le serrer. Tant de geste qui lui donnait l'impression qu'il lui appartenait, oui, qu'il était encore à lui. Quand son visage prit la direction de la nuque dans une file de baisers, Ugo le laissa défaire à son tour les boutons de son haut ; avant de pousser un léger soupir de plaisir quand les mains frigorifiées se glissèrent sur son propre corps. Littéralement brûlant, l'étudiant fini par le pousser en arrière sur les draps, en profitant pour goûter de ses lèvres la peau de son torse. Pas de résistance. Pas besoin. Pas le temps. Chacun se mit à explorer l'autre, comme s'ils se découvraient pour la première fois. Des frôlements qui devinrent des caresses, des baisers qui se transformèrent en phénomène de succion, des larmes qui se remplacèrent par un regard emprunt de passion.

Gestes tendres. Doigts habilement glissés sur la peau. Bouches se cherchant sans cesse. Bras entourant le corps de l'autre. Des cuisses qui se pressent. Un corps froid qui s'éveille à une chaleur revigorante. Quelques pincements. Quelques pressions. Quelques mots tendres murmurés au creux de l'oreille. Un souffle court qui vient mourir contre le cou du partenaire. Une recherche de chacun. Une sorte de jeu de séduction et d'apprivoisement. Pour enfin parvenir au point de non retour : la fusion. Le remplissage de toutes les failles encore visibles, l'association de leurs deux corps dans un gémissement de plaisir. La sensation de se posséder, de vivre en et avec l'autre, le sentiment de ne faire qu'un, même pour un (trop) court instant. Les soupirs, les petits cris, voir les couinements …. Tant de bruits à la fois familiers et insolites que ne font que rendre la situation encore plus excitante.

Ugo prit Heidi avec une douceur nouvelle, un élan d'amour passionné qu'il ne lui avait jusque là jamais signifié, ou presque. Celui-ci répondit au moindre de ses coups de rein, au moindre geste, au moindre baiser. Souhaitant au fond de lui que ce moment intime ne se finisse pas… Haletants, ardents, ils rejoignirent un point culminant dans le brouillard de leur passion, refusant chacun de mettre un terme à leur ébat. Il fallut, pourtant. Dernier mouvement. Dernière caresse provocatrice. Dernier cri. Et la chaleur qui vous emplie, coulant dans vos veines comme un poison dévastateur sans vous laisser la moindre chance de lui échapper. Un plaisir non dissimulé qui laisse place à une plénitude réparatrice de tous les maux. Heidi se laissa alors aller dans les bras de son amant, refusant de le laisser s'éloigner encore quelques secondes. Enlacement. Câlin. Baisers. La brûlure et l'ardeur précédentes laissèrent de nouveau place à la douceur. Caresses tendres.

L'adolescent et l'ange finirent par se séparer, à contre cœur ; mais pour mieux se retrouver peu après sous la couverture chaude. Le pinky vînt se lover dans l'étreinte d'Ugo, enserrant son corps encore suant de leur échange. Il ne s'en rendait pas compte, mais son propre corps s'était considérablement réchauffé. Qu'importe. Il était contre celui qu'il aimait, cela lui suffisait.

Ugo s'endormi le premier. Juste avant de sombrer dans les bras de Morphée, il murmura quelque chose comme :

- Toujours là pour …

Sans même finir. L'Ange sourit doucement, d'un sourire cependant triste. Il ne dormi pas cette nuit là, passant la moindre parcelle de temps qu'il lui restait à observer cet humain assoupi. Caressant ses cheveux auburn de temps à autre, murmurant des mots tendres qu'il espérait lui transmettre dans ses rêves, frôlant la peau de son visage et de ses épaules. Le simple fait de le voir lui avait toujours suffit, et aujourd'hui encore il se délectait de cette situation qui lui était exclusive. Il serait resté là éternellement …

Le lendemain, lorsqu'Ugo s'éveilla à l'aube, Heidi avait disparu.