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Vassilius — Les mines de Dakout
Published: 2016-03-25 16:38:56 +0000 UTC; Views: 196; Favourites: 0; Downloads: 0
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Description La septième année du règne de Ludmille Soyka-Vlaev, j'ai été envoyé, sur mandat impérial, à Dakout où mon expertise était exigée.

La région de Dakout, en marge de l'empire karvène, était encore, cinquante ans plus tôt, méconnue du monde entier. C'est la découverte de mines de grenat dans ses montagnes qui avait subitement éveillé l'intérêt général. Tous les aventuriers, marchands et prospecteurs de l'empire avaient accouru en quête de fortune, et la cité minière avait émergé comme une infâme pustule sur le visage du monde. C'était une cité laide et sale, qui n'existait que par le profit qu'elle générait. Au sud, les Usami ne tardèrent pas à revendiquer cette province, et la cour dut dépêcher des troupes pour assurer la sécurité aux frontières. Loin de la capitale, la cité engloutissait alors presque autant d'argent qu'elle en produisait et, lorsque les grenats commencèrent à se faire plus petits et plus rares, Karvenka amorça doucement le retrait de sa garnison.

Des bourgeois commencèrent alors à écrire à la cour. Plusieurs lettres absurdes parvinrent aux secrétaires de l'impératrice, des lettres disant que l'on avait trouvé autre chose, quelque chose d'inconnu, de plus précieux que le grenat. On crut d'abord à une mauvaise plaisanterie, ou un piètre chantage, et la souveraine ne fut informée qu'à mots couverts.

Ce fut le témoignage de Iagoda Lapaiev qui toucha directement la cour. La musicienne avait profité de ce que les arts n'étaient pas représentés dans l'affreuse cité minière pour s'y faire un nom, elle connaissait bien la ville et ses habitants, et son prestige nouvellement acquis lui permit une audience auprès de l'impératrice elle même.

J'étais présent lors de cet entrevue. Je remplaçais, en ma qualité d'historien et de linguiste, un certain Menoch, un érudit remarquable, à qui l'on devait une formidable avancée sur le déchiffrage de l'arzam, une langue morte depuis plusieurs milliers d'années. Je me souviens bien de Iagoda Lapaiev, avec son nez aquilin, ses longues tresses auburn et sa flûte pendue au côté. Comme tous ceux qui paraissaient devant l'impératrice, elle avait quelque chose à négocier, mais à l'inverse de tous les autres, elle ne quémandait pas, elle offrait. Elle offrait à Ludmille Soyka-Vlaev de maintenir ses troupes en garnison à la frontière, de conserver sa mainmise sur la province. Elle avançait que les Usami n'avaient pas l'usage des gemmes et que, pourtant, leur intérêt n'avait jamais faibli : depuis que des karvènes creusaient sous les roches de Dakout, ils souhaitaient les en chasser.

L'impératrice sembla intriguée, à la fois par ce discours et par le ton assuré de l'artiste. Elle voulut savoir ce qu'il y avait donc de si précieux, qui vaille la peine de conserver une cité lointaine, à laquelle plus personne ne s'intéressait à part les quelques fous qui avaient eu le malheur d'y lier leur existence.

Lapaiev eut une réaction assez énigmatique : elle dit qu'elle ne pouvait répondre avec certitude en ce point, qu'elle n'en avait ni le savoir, ni l'autorité, et je crus un instant que, comme les bourgeois de Dakout, elle se moquait de nous. Alors qu'un murmure de désapprobation se répandait parmi l'audience, elle ajouta que, si nous lui apportions encre et papier, elle pourrait nous "montrer". Cela fut fait.

Malgré son ascension fulgurante vers la célébrité, Iagoda Lapaiev était une enfant des rues, sans culture classique, sans réelle éducation. Elle parlait le karvène et le wilan et avait également quelques notions d'usami et de vinterme, rien qui ne put s'acquérir sans peine dans un monde aussi dense et cosmopolite que notre empire, mais de savoir académique, elle était totalement dépourvue. Aussi fus-je d'autant plus incrédule en la voyant tracer sous le regard captivé de la cour, sans en comprendre la signification, mais dans un arzam néanmoins irréprochable :

"Ci gît Eshed, astrologue et gardien du temps, membre honoré du conseil, et souverain d'Arzaman."
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Comments: 8

ValkAngie [2016-03-26 22:02:03 +0000 UTC]

C'est très sympa, le mystère est maintenu jusqu'au bout. C'est dommage qu'on ait pas encore "assez" d'indices pour pouvoir être sûr de qui parle, par contre.

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Vassilius In reply to ValkAngie [2016-03-30 20:50:42 +0000 UTC]

A ce stade on ne peut pas du tout savoir de qui il s'agit puisque ce personnage n'est encore jamais apparu.

Je dois dire que ce texte fait partie de ces travaux dont je suis plutôt fier. Même s'il a sans doute besoin de retouches par-ci par-là, j'ai déjà un très bon feeling, et je reçois des retours très positifs, la critique récurrente étant : "trop court".^^

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ValkAngie In reply to Vassilius [2016-04-01 16:42:15 +0000 UTC]

Ahah oui, c'est vrai que c'est peut-être un peu court. ^^

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Vassilius In reply to ValkAngie [2016-04-02 01:33:00 +0000 UTC]

C'est plutôt un "bon défaut", ça.^^

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ValkAngie In reply to Vassilius [2016-04-02 22:35:07 +0000 UTC]

Oui, certes!

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Cendram [2016-03-25 17:11:58 +0000 UTC]

Toujours aussi bien ! Qui est le narrateur par contre?

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Vassilius In reply to Cendram [2016-03-25 18:35:08 +0000 UTC]

Hahaaa!^^ Ce n'est pas un personnage que nous avons déjà rencontré.^^

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Cendram In reply to Vassilius [2016-03-25 21:37:17 +0000 UTC]

Trop bien ! Et les portraits de tes personnages permettent de les visualiser c'est super !

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