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Krayt1138 — Chacal Jaune -ch.1 by-nc-sa
Published: 2008-10-09 10:47:33 +0000 UTC; Views: 790; Favourites: 0; Downloads: 13
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Description "La plus grande opération militaire spatiale ne peut rien réussir si elle n'est pas supportée depuis la Terre! Vous comprenez ça, bande d'idiots?Surneau, t'as de la famille à Copernicus, non?Comme pas mal d'entre vous! Alors, en avant!"
Sergent Verrier, s'adressant à ses hommes avant la prise du bunker CS AY-21-3.

Le vieux RCF-45 entra dans la rue avec toute la lenteur caractéristique de son espèce.
Mais il était vrai que les véhicules de ramassage de déchets automatisés n'étaient pas prioritaires, surtout en pleine Corpzone américaine.
-Combien de temps?"
-Encore... dix minutes et il sera en place."
-Nom de Feth, ce qu'ils sont lents!"
-'Pas ma faute..."
Une pause.
-Tu as le chrono exact?"
-Je transfère, une seconde..."
-OK, Merci."
Une forme brumeuse parut s'établir derrière l'engin qui remontait la rue en vidant de leurs déchets les poubelles alignées tout au long de celle-ci, longea la machine puis disparut.
-Eric...?"
-Les numéros seulement, Quatre."
-Désolée, Contrôle. Deux, tu me reçois?"
-Pas la peine de crier, tu vas ameuter le quartier. Il y a une patrouille de Corpos à deux cent mètres de nous qui se rapproche. ETA, six minutes..."
-Merde! Chrono sur le RCF?"
-Six trente-deux. Faisable."
-Pas forcément. On annule?"
-Contrôle, ici Deux. Ils se sont arrêtés près d'une voiture blindée et grillent une clope. On est bons, je pense."
-Confirmez, Deux."
-Je confirme. L'un d'entre eux continue seul, mais il a l'air de se diriger vers leur voiture... Oui, c'est ça."
-OK, on continue."
-Trois minutes avant explosion."
-Zut! La cible sort. Ici Trois, je répète, la cible sort."
La forme brumeuse se matérialisa de nouveau, plus proche de l'homme en costume trois pièces qui venait de sortir de la villa la plus cossue visible dans la rue.
Elle s'approcha avec fluidité, laissant apparaître en flashes irréguliers un soldat vêtu d'une armure caméléon, armé jusqu'aux dents et portant une fine seringue dans sa main droite.
-Cinq, ici Trois, tu peux les occuper un peu?"
-Reçu. Quatre, désactive le brouillage sur mon canal."
-Fait, Cinq."
-Annulez. Ordre prioritaire, annulez. On évacue."
La voix avait surgi, inquiète, impérieuse.
-Négatif, Contrôle Un. Je le tiens!"
-ANNULEZ!"
La rue auparavant tranquille se transforma en quelques secondes. Le faible cri de l'homme touché au cou par la seringue sembla déclencher une tornade de balles perforantes. De meurtrières dissimulées, des fusils d'assaut et des mitrailleuses légères balayaient la rue. Une puissance de feu incroyable était visiblement rassemblée là. Déchiquetés, l'homme inconscient et le soldat qui le tenait furent projetés en éclats de chair et d'os sur le pavé, pour finir d'être broyés par les chenilles de deux transports de troupes et d'un char léger arrivant sur place dans un grondement rageur. Le petit coin de calme matinal se changea immédiatement en camp militaire sous les bottes d'une cinquantaine de soldats lourdement armés et des chenilles de trois blindés légers, arrivés on ne sait comment de hangars dissimulés, qui se placèrent immédiatement en position de défense autour de la villa. L'écho des rotors d'un hélicoptère se fit entendre... Puis diminua subitement.
-Findex-findex-findex."
La voix métallique et impersonnelle, aux accents traînants, résonna dans les casques.
Les soldats s'immobilisèrent, avant de se dissoudre en images de plus en plus floues, les blindés s'effacèrent lentement de l'existence, les impacts de balles et les deux corps déchiquetés disparaissant pour laisser de nouveau une rue de petit matin calme, qui se fondit ensuite dans le noir absolu.

Avec un court sifflement, les unités d'immersion s'ouvrirent, libérant les hommes et les femmes en combinaisons noires de leurs carcan de fibres optiques et d'interfaces neuronales.
Se débarrassant des gantelets et des bottes d'interface, un homme au visage qui avait été fin avant sa modification, et qui gardait malgré ses implant optiques une certaine beauté, demanda d'une voix forte:
-Hé, Commandant! Pourquoi avoir arrêté la sim?"
-Vu que tu était mort..."
-Ca fait très mal si ce n'est pas réglé assez bas..."
-Se sentir mourir d'une centaine de balles en simultané est une expérience très douloureuse quoique rapide, Robin, je confirme. Mais, même avec l'aide de l'équipe, vous n'auriez pas pu ressusciter la cible."
-D'ailleurs, le médic était mort... Je comprends."
-Médic ou pas, quand le cerveau sort de la boîte crânienne, c'est un peu plus que des points de suture qu'il faut", s'exclama avec une trace d'accent d'Europe de l'Est une fille superbe aux cheveux de jais et aux yeux bleus qui fit voler ses longues jambes hors du simulateur.
-Anna, ne recommence pas."
La phrase courte et à peine murmurée par le plus petit des hommes présents, visiblement pourvu de l'interface neurale/vision caractéristique du sniper, aux cheveux bruns très courts et aux yeux vairons, parut obtenir un effet exactement inverse de ce qui avait été escompté. Anna fit volte-face et, marchant à grands pas vers lui, avec une expression meurtrière sur le visage, s'arrêta à environ un mètre de lui, et... éclata de rire.

-Anna??"
L'interpellation venait d'un géant roux et souriant qui venait de franchir la porte du centre de simulation en se baissant. Tout en lui était colossal. Même en tenant compte de ses grosses rangers, il mesurait facilement un mètre quatre-vingt-quinze et pesait probablement plus d'une centaine de kilos tout en muscles, associés à une charpente linéaire lourde de l'EDF. Comme tous les présents, il portait une arme, mais la sienne, au lieu d'être le pistolet standard H&K que tous ou presque arboraient, était une mitrailleuse légère Royal Enfield Tigershark négligemment accrochée à une lanière d'épaule, et visiblement encore chaude d'un tir intensif.
Le commandant se désintéressa de l'altercation pour apostropher le colosse:
-Harry! Comment se passe la dissection des armes du groupe A21?"
-C'était quand?"
-Quoi? On t'a donné tout ça le mois dernier!"
-Ha oui. Non, des armes à éclair, type normal. Pas de souci sur un éventuel danger pour nos cybermembres ou nos intégraux..."
Anna et le sniper, Eric, leur "différend" oublié, s'apprêtaient à quitter la salle, suivis comme souvent par un des membres de l'unité de soutien, Alexander Thorpe, un des pilotes de Blackhammers.
-Débriefing en salle quatre dans une demi-heure, les enfants!" lança le lieutenant à la cantonade.
Un choeur de grognements peu enthousiastes lui répondit.
-Et c'est un ordre pour tous ceux qui ont si bien foiré la sim ce matin!"


Trois quarts d'heure plus tard...
La salle se remplissait peu à peu des membres de l'unité. Le lieutenant lâcha un soupir et se tourna vers Harry:
-Ils n'apprendront donc jamais?"
-J'étais pareil à leur âge, Jos, question ponctualité." répliqua le géant avec une ombre de sourire au coin des lèvres.
Le lieutenant Jos Morijo, des Opérations Spéciales de Mithril, étudia la salle quatre, un amphithéâtre de petites dimensions, de cent cinquante places au maximum, surplombé par la petite estrade où lui et Harry étaient debout.
Se focalisant sur les personnes présentes, il tenta de se rappeler leur profils de mémoire.

Anna Lirczec.
Sa relation avec Eric n'avait pas eu d'impact négatif sur ses performances en combat jusqu'à présent, et il espérait que ça durerait. Vu son passé, qu'elle n'avait pas révélé à tous en raison d'évènements "douloureux" (incluant une fuite in extremis d'Europe de l'Est poursuivie par l'armée polonaise), c'était même un bonus qu'elle réussisse à se mêler ainsi à l'unité. Visiblement, elle récupérait même un certain sens de l'humour, ce qui ne dérangeait personne outre mesure.

Robin Goelther.
Un autre "élément à problèmes" belge récemment récupéré par son unité... Son coup d'éclat ce matin le prouvait, il serait difficile à gérer sur le terrain, mais son expérience de médic et de medtech était essentielle à l'unité, tout comme ses implants visuels de diagnostic. Un membre à surveiller de près cependant, avec un sens de l'humour parfois explosif et une certaine tendance à ignorer les ordres.
Pour l'instant, il était engagé dans une conversation avec l'une des mécaniciennes de l'équipe de soutien, et tout semblait aller.

Alexander Thorpe.
Peu d'informations sur celui-ci dans le profil. Aussi loin que Jos s'en souvienne, cet homme lourdement cybermodifié, presque une conversion intégrale, avait été, avant un accident assez grave, pilote de chasse en Grande-Bretagne. Assez brutal dans ses manières comme dans ses paroles, il avait une coordination stupéfiante dans tous ses mouvements et son gyroscope intégré lui conférait une grâce inhumaine en comparaison des autres. Pilote hors pair, comme les quatre autres rattachés à l'unité, il avait ces absences que Jos avait appris à associer avec une légère cyberpsychose.

Eric Ollient.
Le petit Français, timide de nature, était assis dans un coin plutôt sombre de l'amphithéâtre. Voir Anna à ses côtés était un peu étrange, lui qui ne se mêlait pas aisément aux autres, mais ces deux-là, malgré leurs fréquentes chamailleries, étaient visiblement faits pour s'entendre. Il remarqua également l'étui noir mat du PGM Ultima Ratio S9 d'Eric, indiquant qu'il avait l'intention de s'entraîner après le débriefing.

L'Equipe Assaut Un, celle qui avait participé à la session d'entraînement de la matinée, se compléta avec l'arrivée de Jonas Koelb, leur expert en démolition. Plus grand qu' Harry, c'était la seule conversion intégrale de l'unité. Une commande spéciale d'une conversion de classe Dragoon sans inhibiteurs avait déclenché une tentative d'enquête de la part d'IEC, vite "découragée" par le département diplomatique de l'EDF. Le résultat était un spécialiste en armes lourdes à éléments interchangeables, mais difficile à dissimuler, avec ses deux mètres cinquante de haut sur un mètre dix de large. L'un des rares borgs intégraux que Jos connaissait à n'avoir été affecté en aucune manière par la cyberpsychose, il était l'un des membres les plus fiables de l'unité.

S'avançant vers le pupitre, il remarqua son propre reflet dans la pochette plastique de sa carte de données. Il se trouvait assez bien, quoique quelconque, avec sa peau mate et ses cheveux noirs qu'il portait mi-longs et une ombre de moustache soigneusement entretenue sur la moitié intacte de son visage. L'autre était un assemblage de synthépeau et de quelques éléments cybernétiques qui transparaissaient au travers du biotissu, ceci dû à un "incident" avec une patrouille du C-SWAT dans la Zone de Combat de New York, au cours de sa prime jeunesse mouvementée comme solo expatrié outre-atlantique.

La pensée de l'"incident" le renvoya aux Equipes Deux et Trois, parties à Bahreïn pour une des fameuses "opérations brouillard" des Renseignements. Aucun contact depuis une semaine qu'ils étaient partis à Al'Arish, la base du Moyen-Orient.

-Bon, eh bien messieurs dames, avant de commencer, quelqu'un veut me faire part de suggestions?" ouvrit Jos.
-Rien si ce n'est qu'on continue de pratiquer l'entraînement comme ça, Monsieur." intervint Andrea Milorano, une jeune Italienne de l'équipe de commandement, assise aux côtés de Henry Luchard, un franco-anglais qui servait avec elle.
-Pareil ici, Monsieur!" lança Anna du fond de la salle."La sim aujourd'hui a fini de façon ridicule!"
Les autres membres de l'équipe d'assaut manifestèrent également leur assentiment, mis à part Robin qui se ramassa un peu plus dans son siège. Jos lui lança un regard moqueur puis démarra:
-Bon... On sait à peu près tous ce qui est allé ou pas durant cette session. Juste pour vous rappeler: un ordre, prioritaire ou pas, reste un ordre. Je me suis fait comprendre?"
-Oui, mon Commandant!" fut la réponse "enthousiaste" de l'assemblée.
-Alors, maintenant qu'on est tous d'accord, voilà les grandes lignes: Anna, tu as posé la bombe blanche avec près de quinze secondes de retard...



Pour un homme aussi puissant, le bureau était petit, songea Ray Parliconi en pénétrant arme au poing dans l'office privé de feu M. Archibald Foster, dirigeant de la corporation Foster and Co., Alcools et Spiritueux, qui gisait désormais dans une mare de sang près d'une porte autrefois délicatement lambrissée. Le chef de l'Equipe Assaut Deux ouvrit le deuxième tiroir à gauche du bureau. Farfouillant deux à trois secondes dans les dossiers, il en tira une minuscule mallette noire, visiblement renforcée et ignifugée, qui tranchait sur des dossiers plus minces de couleurs vives.
-Chacal Jaune..." lut-il sur la mallette. Pour une fois, les Renseignements avaient fait leur boulot correctement. Il jura. "L'imbécile d'avoir gardé tout ça sur papier, on va devoir s'en encombrer jusqu'à l'extraction."
Il cracha un ordre de retraite dans son micro, attendit que son écran rétinien ait clignoté pour obtenir confirmation des membres de son équipe, puis se précipita au pas de course vers le toit. Alors qu'il passait les débris de la porte, une balle arracha un morceau du chambranle et l'aspergea de débris. Deux coups de son fusil d'assaut réduisirent l'inconscient au silence, et il finit son chargeur dans la direction approximative des soldats qui chargeaient ses hommes le long du balcon entourant le patio. Il plongea au milieu des tirs, derrière une colonne de marbre écroulée, et réactiva son système Mirage, le faisant disparaître dans une brume légère.
L'infiltration s'était bien passée, grâce aux Renseignements, qui avaient mis son équipe dans une position avantageuse en faisant évacuer les civils alentours sans déclencher les alarmes de Foster. Ils avaient ainsi pu progresser dans les rues très rapidement, et en bénéficiant d'un environnement riche en cibles, au contraire de leurs (bien plus nombreux) adversaires.
Ray se releva, tira une courte rafale dans le patio en contrebas.

Le toussotement de son MAS Urban Assault passa inaperçu au milieu des détonations émises par les armes du groupe des forces de Foster, dispersées dans le champ de bataille qu'était devenu le patio. Il courut le long du balcon, dont le marbre fut massacré par la mitrailleuse fixe qui ouvrit le feu dans son sillage. Il plongea derrière la porte blindée et tordue de l'escalier qui s'ouvrait devant lui, un escalier de secours, et faillit descendre les marches de l'étage inférieur tête la première. Ramassé par son spécialiste en explosifs, il s'engagea dans l'ascension, rejoint au passage par les membres des Equipes Deux et Trois. Shen, le chef de l'autre équipe, son système de camouflage ne parvenant pas à couvrir entièrement le trou béant au niveau de son abdomen, fermait la marche. C'était, aussi loin que Ray pouvait en juger, le seul blessé de l'unité.
Face aux hommes de Foster qui balayaient les couloirs à l'aide de mitrailleuses légères et d'armes de gros calibre, les deux chefs d'équipes scellèrent la porte et filèrent vers le toit, où un Osprey V-30 Seraph les attendait déjà. Courant sur le toit, il vit Shen vaciller, puis s'écrouler, du sang jaillissant de sa gorge. Il grimaça, mais continua de courir. Le système d'incinération de la combinaison grillait tout dans un rayon de cinq mètres après là mort de l'occupant, et il préféra éviter de suivre son camarade jusque dans la mort.
Embarquant après ses hommes dans le transport, il nota que Thomas, son sniper, manquait également à l'appel.
-Ils a été touché, Sergent. 'Pense pas qu'il s'en soit sorti, Tom n'apparaît plus sur mes relevés." l'informa Anselme, son spécialiste en communications.
-Et merde! Tant pis, on décolle."
L'appareil pataud s'éleva dans l'air encore chaud d'un crépuscule de Bahreïn. Son système ECM au maximum, il fila vers Zimna Bay, en direction de l'ancien aéroport international de Qalali, où le C-250 Beluga de transport l'attendait.
Au moment où Ray s'apprêtait à entrer la séquence de réussite de mission dans son transmetteur, il s'aperçut que quelque chose ne collait pas.
-Anselme, désactive le brouillage de mon canal."
-Je ne brouille rien, le pack est éteint!"
-Ohé du cockpit! Vous pourriez couper le brouillage sur ma fréquence?"
-On ne brouille rien sur les communications de votre équipe, Monsieur!"
-Ca veut dire quoi..."
Le missile les avait nettoyés du ciel avant qu'il put formuler cette pensée. L'ombre noire d'un chasseur parut illuminée quelques instants lorsqu'il passa près de la boule de feu en expansion qui avait été le transport des Equipes Deux et Trois, puis il vira vers le nord et disparut.

La lueur de l'explosion, transmise jusqu'aux caméras satellitaires, fut photographiée, filmée et transférée par le réseau Argent au QG de Mithril, à Bruxelles, et envoyée au bureau de Jos Morijo après le traitement initial, puis relayée à son unité portable une heure après, durant le débriefing.
Un programme dormant s'activa également au site de réception satellite de Bruxelles. Les mêmes photos et vidéos partirent, déguisées en archives de comptabilité, par le câble transatlantique à haute vitesse, et furent enfin transférées vers une tour du centre de New York.

-...Donc, à part ton joli coup d'éclat, Robin, on est bons pour le service...(un tintement provint du pupitre) Une seconde."
Jos se pencha sur son écran, lut quelques lignes du message entrant et eut un tressaillement visible.
-Le débriefing est ajourné. De plus amples informations suivront. Restez prêts."
Puis il plia son unité portable et sortit d'un pas rapide, laissant l'assistance perplexe.

Une heure plus tard,trois coups discrets frappés à la porte tirèrent Jos d'une réflexion profonde  et morose.
-Harry?"
-Exact. Je peux entrer?"
-Oui."
Le géant se glissa dans la pièce sombre, uniquement éclairée par l'écran de l'ordinateur. Une bouteille de whisky reconstitué bon marché à moitié vide fut le signal qui finit de convaincre Harry: Jos n'allait pas bien.
-L'équipe de Ray et celle de Shen. Morts. Tous."
-Où ça?"
-Bahreïn. Une opération parfaite, apparemment, c'est un chasseur furtif iranien qui a détruit leur Seraph. Ils dénient toute implication, et aucun de leurs appareils n'a fait de sortie sur Bahreïn ce jour-là. Il est sorti de nulle part."
La vidéo thermique/radar qui passait en boucle sur l'écran était assez explicite. Les senseurs du Seraph n'avaient pas pu détecter un objet aussi rapide que le SU-52 arrivé juste derrière et sous lui, au ras des toits. Le tir du missile avait été effectué à bout portant, le chasseur furtif virant sur l'aile pour sortir la boule de feu de sa trajectoire. Les membres de l'échelon de soutien, à bord du Beluga, avaient été éliminés après un court combat et l'avion détruit par des charges d'explosifs, avec un camion de surveillance à bord. La version publique de l'Emirat était "attaque terroriste sur des militaires anglais".
Point final.
Aucun survivant, et l'explosion du Seraph avait été passée sous silence, car la zone avait été évacuée.
La vidéo redémarra, et Jos se tassa un peu plus dans son siège. Harry ne l'avait vu aussi déprimé qu'une seule fois, quand ses parents et sa soeur avaient été pris dans la chute de météores à Paris, douze ans auparavant, et y avaient péri.
Le coup était dur pour l'unité dans son ensemble: Même si le matériel était aisément remplaçable, les hommes seraient difficiles à remplacer... Sans compter l'impact au moral.
Regardant distraitement la vidéo, Harry eut un haut-le-coeur en voyant la tache rouge orangée, si obscène, et le bref flash de rougeur signalant le passage du chasseur.
Mais un petit point chaud intermittent, assez loin de la zone d'explosion, retint son attention. Le point en question avançait vers l'explosion, il ne reculait pas, donc impossible de le confondre avec un débris. Et si...
-Ordinateur! Zoom sur les coordonnées carte L5, please."
-Qu'est-ce que tu fais?
Jos le regardait avec un air d'abattement profond s'activer sur les différends filtres du système d'imagerie. Il en sélectionna un qui autorisait la lecture et l'interrogation des implants vitaux d'identification, que Mithril modifiait sur tout son personnel, puis l'appliqua à l'image et lança la vidéo.
-Je vérifie une hypothèse... Qui se confirme!" (Il étouffa un cri de joie).
Ce coup-ci, Jos lui lança carrément le type de regard qu'on donnerait à quelqu'un si il venait de lui pousser une deuxième tête.
-Tu vois ce point, là? Ordinateur, lecture!"
Une seconde. Puis...
-Bon sang."
Lâché avec le plus grand calme, mais aussi la plus grande détermination.

La tache rouge orangée se dilata une fois de plus sur l'écran. Marina ne s'en lasserait probablement jamais. Sa cigarette posée près d'elle sur le cuir du divan, elle laissa la satisfaction l'envahir.
Cet imbécile de Foster aurait pu tout faire rater, avec sa manie de faire des copies de sauvegarde supplémentaires. La mallette était visiblement tombée entre les mains des soldats de Mithril, comme le prouvaient les vidéos de surveillance de l'immeuble. Heureusement, ce type d'incident était prévu, mais, l'espace d'une minute, elle avait craint pour le projet tout entier.
Et Chacal Jaune était son enfant. Elle ne l'abandonnerait à personne.

Etirant ses longs membres et secouant sa crinière noire, elle se leva du divan pour passer à la suite du programme du jour.
Son bureau, au deux cent septième et dernier étage de la tour Olympus Tech de New York, ressemblait à celui de n'importe quel PDG, mais elle aimait rappeler à tous ses privilèges et son pouvoir. Les "vitres" étaient des écrans blindés et l'image qui s'affichait dessus, d'un réalisme saisissant, était en fait prise à un mètre de l'écran où elle apparaissait.
De son bureau, de discrètes portes donnaient sur un appartement spacieux comprenant cuisine automatisée, salle de bains et chambre, plus un salon équipé du dernier cri en matière de divertissement, et enfin un hangar privé où un Mitsubishi Wildfire modifié (petit cadeau du gouvernement américain, l'appareil était armé de deux canons de 30mm et pouvait décoller et atterrir verticalement) voisinait une Rolls-Royce Dove, en plus d'un lourd AV-15 Lucifer qui appartenait à sa garde personnelle et se tenait prêt à décoller sur son ordre.

La seule incongruité qui apparaissait sur l'immense bureau d'un noir brillant était une petite peluche en assez mauvais état, représentant un canidé à fourrure jaune-marron, posé à proximité de l'ordinateur. Elle le caressa d'un air absent avant de se connecter à l'interface protégée de son système privé, parcourut de ses yeux verts les fichiers récents, puis, la clé de cryptage protégeant sa présence virtuelle, navigua avec l'aisance de l'habitude dans les courants du Réseau jusqu'à une salle de réunion virtuelle, où les avatars de plusieurs personnes étaient en pleine discussion.
-C'est effectivement très inquiétant, mais nous devons nous concentrer sur ce problème à Bahreïn..."
-Je m'en suis occupée, Augustus" lâcha négligemment Marina en matérialisant son avatar, une créature de forme féminine mais composée de fluides transparents, à l'extrémité de la table virtuelle.
L'avantage de faire partie de l'élite de l'informatique, se dit-elle en réprimant un sourire, c'est qu'on a accès au meilleur de la réalité virtuelle sans avoir à le payer, et sans nécessiter de s'encombrer de ces ridicules caissons.
-Mithril ne nous posera bientôt plus le moindre problème. Foster est mort, et les preuves dont Mithril a besoin pour nous retrouver sont détruites. J'ai fait en sorte qu'il n'y ait aucune communication entre les membres de leur équipe de soutien et leur équipe d'assaut, de sorte que rien n'a filtré. Le projet est sauf, messieurs."
-Parfait. En ce cas, je pense qu'il faut que vous sachiez, Mademoiselle Higgins, que l'explosion de leur appareil d'extraction n'est pas passée inaperçue. Le SU-52 que vous avez "employé" appartenait à l'armée iranienne, et sa disparition ne passera pas inaperçue."
-Inexact. Il a été repeint pour donner cette impression, certes, mais c'est un appareil de notre escadre du Golfe Persique."
-Quelle escadre? Je n'ai été prévenu de rien, Marina, et en ce qui concerne nos accords, sachez bien qu'ils risquent d'en pâtir si jamais..."
-Taisez-vous, colonel Alenti!" siffla t'elle sur un ton qui suffit instantanément à réduire l'autre au silence."Ces hommes devaient être éliminés! J'ai utilisé mes propres ressources pour réagir de la façon appropriée, tandis que vous débattiez du meilleur moyen de vous mettre à l'abri!"
-Du calme, Mademoiselle Higgins. L'incident est clos. Poursuivez, je vous prie..."

Elle sentit une autre chaude bouffée de satisfaction la traverser et dut réprimer un sourire de plus. Elle, la fille moins que rien qui, à dix-sept ans, avait été enlevée à sa mère en Zone de Combat par l'ancien dirigeant d'Olympus, qui voulait en faire sa maîtresse, commandait maintenant le respect à des hommes qui auraient fait pâlir son ancien maître de jalousie, comme les PDG des plus grandes mégacorporations mondiales et des généraux de la plus grande et plus moderne armée du monde et de l'espace. Elle y trouvait une certaine ironie, presque aussi délicieuse que de voir ses ennemis frire depuis leur propre système de surveillance.
-Bien... Il m'avait semblé vous entendre parler de quelque chose d'inquiétant, Augustus...
Poursuivez, je vous prie."
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