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Krayt1138 — Chacal Jaune -ch.2 by-nc-sa
Published: 2008-10-12 13:54:44 +0000 UTC; Views: 361; Favourites: 0; Downloads: 5
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Description La salle du café bruxellois où les membres de l'Equipe Un devaient se retrouver, chichement éclairée mais bruyante à souhait, les vit arriver vers huit heures du soir, passablement abattus et fatigués.
Robin et Jonas, arrivés les premiers, s'installèrent à une table prévue pour huit personnes, conscients que du monde viendrait en plus de leur unité. Pour éviter d'attirer trop l'attention, Jonas avait troqué son corps Dragoon habituel contre un corps de type Alpha doté d'un camouflage bon marché, plus discret et bien plus commun. Il haïssait les modèles Gemini, sans aucune raison particulière, même si ils auraient été plus pratiques dans la situation présente.
L'intuition de Robin se révéla bonne: Andrea et Henry, visiblement "en couple" ce soir-là, s'installèrent à leur table, vite rejoints par Anna et Eric, qu'elle avait visiblement traîné de force ici. Enfin, Alexander arriva, ignorant comme à l'accoutumée les regards dégoûtés des clients.

A l'exception de Jonas, Jos et Harry, tous les membres de l'Equipe Un s'étaient connus le même jour, celui de leur incorporation à l'échelon européen de Mithril. Même si ils avaient par la suite été affectés à des endroits différents, une solide amitié s'était forgée entre ces six hommes et femmes si différents les uns des autres. Deux ans presque jour pour jour après leur première rencontre, Anna, qui était  entrée dans l'unité directement après son intégration, était tombée par hasard sur Robin qui venait de se faire réaffecter à l'unité 223, puis ce furent Eric, Henry, Andrea, Alexander et, après qu'ils se furent retrouvés tous dans ce même café, un beau soir, Robin avait amené Jonas, qui venait d'être affecté à l'unité après sa conversion, et l'avait ainsi intégré au groupe. Plus tard, Jos était arrivé avec Harry pour prendre les rênes de l'unité et, plus spécialement, de leur équipe, ce qui les avait amenés à le connaître de mieux en mieux et, finalement, à l'apprécier.

Peu de temps après avoir démarré la conversation sur l'anéantissement de deux tiers de leur unité, "une chose qui est arrivée deux fois en trente ans", avait fait remarqué Alexander, Andrea posa une question apparemment banale, mais qui suscita une réponse étrange:
-Eric, tu as vu le commandant cet après-midi, non?"
-Oui."
-Comment il allait? Ca a l'air d'avoir été dur pour lui, il connaissait bien Ray, non?"
-Je ne sais pas pourquoi, mais maintenant que j'y repense, il n'avait pas l'air aussi abattu à midi que ce matin. Il a même ri un peu avec Harry, si je me souviens bien."
-Bizarre..." lâcha Anna, résumant le sentiment général."Quelqu'un à une idée?"
Aucune ne fut proposée, et chacun oublia la question pour se concentrer en silence sur les amis qu'il venait de perdre.
Au bout d'une minute, sans s'être concertés, ils vidèrent leurs six verres à l'unisson, Jonas se contentant de les regarder aussi "bouche bée" que son corps le permettait.
Et tous les sept éclatèrent de rire.
-Il l'a dit, non?"
-"Bons pour le service", hein?"
-Il compte nous envoyer à Bahreïn bientôt?"
-Oh... Je pense!" laissa tomber la voix de Jos, à quelques mètres d'eux.
Il se frayait un chemin à travers l'atmosphère enfumée du bar, en train de se remplir encore plus à mesure que l'heure avançait.

-Il y a de bonnes nouvelles en provenance de Bahreïn. Je vous expliquerai tout ça demain, mais pour l'instant, prenez du repos, vous en aurez besoin très vite."
Le commandant se détourna puis, se ravisant, s'assit à la table, entre Andrea et Jonas.
-Et merde! Je ne sais pas quand j'aurai l'occasion de savourer quelque chose de bon en compagnie d'amis. Autant y aller quand c'est possible."
-Vous allez laisser Harry seul?" demanda Anna.
-Pas question. Il nous rejoindra dans... Maintenant."
Le colosse passait justement son buste par l'embrasure de la porte.
-Pas de fête sans moi, les enfants! Vous me faites une petite place?"
Les huit assis et serrés autour de la table se regardèrent et tous éclatèrent une nouvelle fois de rire. La soirée s'annonçait bien.


Douze heures plus tard, les grandes lignes du plan d'attaque furent dévoilées aux membres d'une équipe fraîche et dispose.
Thomas, le sniper de l'Equipe Deux, avait fait un 'rappel aérien' de trois étages dans une ruelle, depuis un immeuble voisin des bureaux de Foster, suite à une balle perdue qui lui était passée entre les côtes. Il y était resté inconscient une simple minute, puis s'était relevé pour voir le Seraph exploser.
Saignant légèrement et avec plusieurs os cassés, mais encore en état de marcher et de se battre, il avait tué un homme de Foster qui tentait de fuir avec l'AV personnel de son employeur, un Benson Magnus, et avait piloté l'appareil, tentant de ralentir sa perte de sang avec les moyens du bord. Il avait réussi à rejoindre la base avancée des Renseignements au Qatar, située à proximité du port d'Al'Arish, sur la côte Ouest du pays.
Selon Jos, du miracle en barre.
Après un atterrissage que l'équipe de nuit du poste avait qualifié de "disgracieux", il avait été transféré au centre médical où on lui donnait "de bonnes chances de s'en tirer".
L'Equipe Un allait passer par Al'Arish, entendre le récit complet de sa bouche, puis décider de la marche à suivre une fois tous les renseignements collectés et analysés par les têtes pensantes, en l'occurrence Andrea, Harry, Henry et Jos.
Leur Beluga décolla vers les trois heures du matin suivant, ses tuyères de poussée verticale laissant une fois de plus de grandes marques noires sur le tarmac de l'aéroport. Il transportait deux Blackhammers, les APC de contrôle et de stockage, une ACPA, plus la petite dizaine de membres de l'Equipe Un, et son équipage de trois membres était un habitué des missions effectuées à des heures improbables.

Une dizaine d'heures plus tard, le Beluga s'engouffrait dans le nuage de poussière qu'il avait soulevé en se mettant en position de descente verticale à proximité de la station. L'équipe descendit quatre à quatre la rampe du personnel, et s'engouffra dans le petit groupe de bâtiments qui se dressait, incongru, au milieu du désert.

Elle se sentait fatiguée. Une chose à laquelle elle devrait s'accoutumer, se dit elle avec un petit sourire que, cette fois-ci, elle ne prit pas la peine de dissimuler.
Marina se rassit sur son lit, admirant une fois de plus l'holo de l'explosion du Seraph qui passait en boucle sur l'écran de sa chambre.
S'allongeant de tout son long, elle laissa son esprit vagabonder, remontant à son époque dans la Zone de Combat New-yorkaise, autrefois le "Bronx". Sa vie n'avait pas toujours été assistée par une machine à chaque étape, ni par des hommes qui lui étaient dévoués corps et âme.
Son père, mort lors de l'une des innombrables guerres de rue où les balles volaient presque aussi nombreuses que les mouches sur des cadavres que personne ne se souciait de ramasser et d'identifier, n'avait pas laissé une grosse empreinte sur sa mémoire, contrairement à sa mère, dont elle se rappelait plus les incessantes brimades que les accès de sentimentalisme bêlants induits par l'alcool, et qui se finissaient invariablement en une tornade de coups administrés avec force. Cette femme n'avait pas hésité à la vendre au déjà vieillissant Hal Higgins, qui n'avait pas fait mystère de ses intentions avant de payer une somme misérable à la pauvre femme.
Il l'avait soustraite à cet enfer, mais à un prix dont elle sentait encore quelquefois la souillure.

Et, peu de temps avant, il y avait eu l'Inconnu.
Il était arrivé, la sauvant d'une mort certaine un soir où, comme son père, elle fut prise dans une fusillade entre gangs.
Il y avait dix ans...

Il faisait sombre, de plus en plus sombre, et le pas rapide de la jeune fille de seize ans à peine ne couvrait pas entièrement le claquement irrégulier des armes à feu à travers la ville. Les véhicules se faisaient rares, tout comme les éclairages, et le bruit des pneus tout-terrains des deux véhicules lourdement modifiés fut perçu par Marina, qui pressa immédiatement le pas. Pas assez vite cependant, puisque les deux monstres la dépassèrent, l'un d'entre eux bloquant la rue perpendiculaire qu'elle s'apprêtait à emprunter. Plusieurs hommes descendirent et se mirent immédiatement en formation de combat autour des deux véhicules.
Elle regarda autour d'elle; aucune porte accessible ouverte. La chose qui s'apparentait le plus à un abri, une poubelle de taille respectable, se trouvait à cinq mètres d'elle.
Mais déjà, les premiers coups de feu s'échangeaient, écaillant la peinture abîmée des murs et saupoudrant le paysage de débris de plâtras. Une mitrailleuse aboya depuis une fenêtre, et une série de petits geysers de poussière remonta la rue en direction de Marina, qui se plaqua au mur juste à temps. Un homme atterrit à côté d'elle, et deux détonations consécutives l'assourdirent. Elle cria.
L'homme, qui pensait probablement la fille déjà tuée, fut un instant surprit et regarda dans la direction du cri. Une balle explosive de 12,7mm le cueillit en plein torse, sous les yeux de la jeune fille, et il éclata dans un bouquet de sang cuit. Elle hurla de plus belle en sentant le sang encore chaud lui poisser le visage et les mains, se recroquevillant contre le mur.

Et soudain, il fut là, à son côté.
Il posa une main sur son épaule, la regarda dans les yeux. Elle ne vit que les pupilles noires qui la fixaient intensément, puis sentit la main quitter son épaule. Il abandonna quelque chose à ses pieds, et, en un instant, sauta en direction du plus chaud de la mêlée. Une lame lui était apparue entre les mains, tranchant la gorge du servant de la mitrailleuse.
Elle ne pouvait pas détacher les yeux de cette apparition. Il mouvait avec une grâce fantomatique, sorte de danseur d'un ballet étrange et mortel.
Un pistolet apparut dans son autre main, et il lança son couteau dans la gorge d'un géant qui épaulait un lance-roquettes en direction du premier étage d'une maison d'aspect renforcé qui était visiblement la cible principale des attaquants. Le projectile partit néanmoins, rasant le sol avant d'impacter sous l'un des véhicules, le transformant en une apothéose de flammes et de fumée. Elle s'était levée, elle avait oublié de crier, oublié qu'elle était terrifiée, chaque fibre de son être ne pensant plus qu'à cet inconnu meurtrier. Suivant chacun de ses mouvements, comme au ralenti, elle ne sentit pas la douleur quand la balle lui érafla l'épaule. Projetée en arrière, elle perdit conscience.

La rue ne résonna plus que du tir soutenu d'une seule arme, le genre de bruit qu'un fusil automatique ferait si la gâchette en était pressée par un doigt crispé dans la mort... Puis tout retomba dans le silence.
Il était revenu, elle ne savait comment, à son côté, lui parlant doucement. Elle n'entendit rien. Se jetant dans ses bras, elle laissa la douleur, la peur et le soulagement la submerger, pleurant jusqu'à ce que ses yeux ne produisent plus de larmes, jusqu'à ce que, à demi inconsciente à cause de la perte de sang, elle sente ses bras qui la portaient, l'allongeaient, et soignaient sa blessure...

De façon absente, sa main droite remonta vers son épaule gauche, là où une cicatrice fine comme un cheveu, et vielle de dix ans, courait le long des muscles de son cou.
Elle n'avait jamais su son nom. Elle ne se souvenait que des cheveux et des yeux, noirs comme la nuit.
Il était reparti lorsqu'elle était toujours entre conscience et néant, en lui laissant de quoi survivre: un pistolet Glock 9mm (sans puce et au numéro de série limé) avec deux chargeurs, un kit médical et un peu d'argent, dans un petit sac qui contenait, incongrûment, la peluche de chacal maintenant posée sur son bureau. Bien évidemment, sa mère avait récupéré l'arme, les munitions et l'argent, mais, dans ce qu'elle devait penser être un accès de bonté, lui avait laissé le kit médical et la peluche. Elle était devenue sa mascotte, sa raison de supporter les traitements infligés par sa mère, puis, ensuite et d'une façon bien pire, par le viel Higgins. Ils devraient payer, tous. Ce monde devrait changer en profondeur, et elle serait l'instigatrice de ce changement, l'architecte d'un ordre nouveau.
Elle eut un nouveau frisson, qui n'avait rien à voir avec un éventuel quoiqu' impensable problème de climatisation. La vidéo redémarra, et elle fronça un sourcil bleu-noir. Quelque chose clochait... Mais elle aurait été bien en peine de dire quoi.
Chassant toute pensée parasite, elle se redressa avec un soupir et marcha d'un air quelque peu groggy jusqu'au bureau, où elle s'attela à la tâche peu enviable d'examiner la "paperasse" électronique qui s'était accumulée durant la journée. L'inconvénient d'avoir des avantages, se dit-elle avec une grimace ironique, c'est qu'il faut en prendre la responsabilité.
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